OAS

EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL
AUX TERMES DE
L'ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN.

Article 1904


Dossier du Secrétariat
CDA-94-1904-04

Dans L'affaire de:

Certaines produits en ôle d'acier
résistant à la corrosion, originaires ou exportés des
États-Unis d'Amerique (préjudice).


Membres : M E. Neil McKelvey, O.C. C.R., président
M Edward C. Chiasson, C.R.
M Timothy A. Harr
M Maureen Irish
M Lauren D. Rachlin


DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL

AU SUJET DE L'EXAMEN DES CONCLUSIONS DU
TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR
Le 10 juillet 1995


Auditions: Les 24 et 25 avril 1995, à Ottawa, province d'Ontario, Canada

ONT COMPARU:

Relativement à la plainte des exportateurs américains:

Pour les plaignantes

M. C. J. Michael Flavell, c.r., M. Geoffrey C. Kubrick et M. Paul M. Lalonde, représentant Bethlehem Steel Export Corp., U.S. Steel (une filiale de USX Corp.), I/N Kote, Inland Steel Co. et L.T.V. Steel Co. (désignées collectivement comme "les plaignantes américaines");

Contre les plaignantes:

M. Riyaz Dattu, M. David I. W. Hamer et M. Colin S. Baxter, représentant Stelco Inc. ("Stelco");

M. Ronald Cheng et M. Greg Somers, représentant Sorevco Inc. ("Sorevco");

Mr. John T. Moran, c.r. et M. Steven D'Arcy, représentant Dofasco Inc. ("Dofasco");

M. Darrell Pearson et Mme Sharon Maloney, représentant Triumph Industries (une filiale de Triumph Group Operations Inc.) ("Triumph");

M. Colin S. Baxter, représentant Metal Koating Continuous Colour Coat Limited ("CCC").

Au nom du Tribunal canadien du commerce extérieur (le " "TCCE" ")

M. Hugh J. Cheetham et M. Joël J. Robichaud, représentant le TCCE;

Relativement à la plainte de Stelco:

Les plaignantes:

M. Riyaz Dattu, M. David I. W. Hamer et M. Colin S. Baxter, représentant Stelco Inc. ("Stelco").

Contre les plaignantes:

M. C. J. Michael Flavell, c.r., M. Geoffrey C. Kubrick et Paul M. Lalonde, représentant de Bethlehem Steel Export Corp., U.S. Steel (une filiale de USX Corp.), I/N Kote, Inland Steel Co. et L.T.V. Steel Co. (désignées collectivement comme les "défenderesses américaines").

À l'appui des plaignantes:

M. Colin S. Baxter, représentant Metal Koting Continuous Colour Coat Limited ("CCC").

Au nom du TCCE:

M. Hugh J. Cheetham et M. Joël J. Robichaud, représentant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le "TCCE").


I. INTRODUCTION

Le présent groupe spécial a été réuni en application du paragraphe 1904(2) de la L'entente sur le libre-échange nord-américain (ALÉNA); il avait été constitué à la suite d'une plainte déposée auprès du Secrétariat canadien le 12 septembre 1994 par les plaignantes américaines en application de la règle 39 des Règles de procédures des groupes spéciaux aux termes de l'article 1904 de l'ALÉNA. Dans cette plainte, les plaignantes américaines soutiennent que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) a commis des erreurs de compétence, de droit et de faits ainsi que des manquements à la justice naturelle dans ses conclusions, publiées le 6 août 1994 1 , selon lesquelles le dumping au Canada de marchandises en cause constaté par le sous-ministre du Revenu national avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises semblables au Canada.

Le groupe spécial a aussi été constitué pour entendre en même temps une plainte déposée par Stelco (la plainte de Stelco) relativement à la décision du TCCE d'exclure certains produits électrozingués en tôle d'acier résistant à la corrosion utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles.

Le groupe spécial, siégeant en son entier, a tenu des auditions les 24 et 25 avril 1995 à Ottawa, où il a pu entendre les arguments quant à la plainte américaine et quant à celle de Stelco.

Ces plaintes concernent des produits de tôle d'acier résistant à la corrosion enduite de zinc ou d'un alliage de zinc et de fer généralement désigné comme de l'acier galvanisé, que le sous-ministre a décrit de la façon suivante:

    produits de tôle d'acier laminés à plat d'une épaisseur d'au plus 0,176 po (4,47 mm), enduits ou revêtus de zinc ou d'un alliage dont le zinc ou le fer sont les principaux métaux, à l'exclusion des qualités visibles pour l'industrie automobile qui sont conçues et utilisées pour fabriquer des composants extérieurs de véhicules automobiles, originaires ou exportés de l'Australie, du Brésil, de la France, de la République fédérale d'Allemagne, du Japon, de la République de Corée, de la Nouvelle-Zélande, de l'Espagne, de la Suède, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique . 2

Le sous-ministre a fait enquête au sujet des marchandises en cause; il a rendu une détermination provisoire de dumping et, en juin 1994, il a rendu une détermination finale 3 . Cette enquête du sous-ministre conclut que les exportateurs de tous les pays visés ont sous-évalué les marchandises en cause selon diverses marges de dumping. Des 33 exportateurs sur lesquels l'enquête a porté, on n'en a trouvé que deux qui n'avaient pas fait de dumping. En ce qui concerne les plaignantes américaines, on a constaté ce qui suit:

Exportateur % de marchandises
sous-évaluées
Marge moyenne
pondérée de dumping
Bethlehem Steel Export Corporation 0,0 0,0
Inland Steel Company et I/N Kote94,7 8,1
L T V Steel Co. Inc. 83,5 13,2
USX Corporation et U.S. Steel Group 65,0 4,2

Suite à la détermination de dumping rendue par le sous-ministre, le TCCE a entrepris une enquête relativement au préjudice. Il a constaté que, en ce qui concerne tous les pays et les exportateurs faisant l'objet de l'enquête, le dumping avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises semblables au Canada. Dans les motifs à l'appui de ses conclusions de préjudice sensible4 , le TCCE présente un examen et une analyse de la preuve avec renvoi à l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, (la "LMSI"), au Code antidumping (1980) (le "Code antidumping"), aux Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur5 et aux décisions des cours, des groupes spéciaux et des tribunaux. Le TCCE a fait plusieurs exclusions de ses conclusions relatives au préjudice; la seule qui est pertinente en l'espèce concerne certains produits électrozingués en tôle d'acier résistant à la corrosion utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles.

Les plaignantes américaines ont demandé un examen par un groupe spécial dans le but d'obtenir une ordonnance renvoyant la question au TCCE, avec des directives pour que le tribunal prenne les mesures nécessaires pour déterminer la question du préjudice et de la relation causale d'une manière conforme aux principes établis dans la plainte américaine. Contre la plainte américaine, Stelco, Sorevco, Dofasco, Triumph et CCC ont déposé des avis de comparution, de même que d'autres documents et mémoires, et elles ont présenté des plaidoiries orales à l'audition.

En même temps, Stelco a présenté une demande d'examen par un groupe spécial visant à obtenir une ordonnance de renvoi de cette question au TCCE pour qu'il revoie la décision d'exclure des produits électrozingués utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles, accompagnée de directives à ce tribunal quant à la preuve sur la substituabilité et la compatibilité de produits domestiques galvanisés par immersion à chaud et des produits électrozingués importés, lui indiquant de ne pas exclure les produits électrozingués utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles, ou, subsidiairement, renvoyant la décision avec des directives au TCCE pour des exclusions restreintes quant à ces produits. En réponse à la plainte de Stelco, les plaignantes américaines ont déposé des documents s'y opposant et elles ont fait des plaidoiries orales. CCC a déposé un mémoire et présenté des plaidoiries orales à l'appui de la plainte de Stelco.

Le TCCE a aussi déposé un avis de comparution et des mémoires, et a présenté des plaidoiries à l'audition.

II. NORMES APPLICABLES À L'EXAMEN

Les dispositions suivantes de l'ALÉNA et de la Loi sur la Cour fédérale s'appliquent au présent examen:

Le paragraphe 1904(3) de l'ALÉNA:

    Le groupe spécial appliquera les critères d'examen établis à l'annexe 1911, ainsi que les principes juridiques généraux qu'un tribunal de la Partie importatrice appliquerait à l'examen d'une détermination de l'organisme d'enquête compétent.

L'article 1911 de l'ALÉNA:

    principes juridiques généraux comprend des principes tels que la qualité pour agir, l'application régulière de la loi, les règles d'interprétation des lois, le principe dit mootness et l'épuisement des recours administratifs.

L'annexe 1911 de l'ALÉNA:

    critères d'examen désigne les critères ci-dessous, selon qu'ils pourront être modifiés de temps à autre par la Partie concernée:

      a) dans le cas du Canada, les motifs énoncés à l'alinéa 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, modifiée, pour ce qui concerne toutes les décisions finales (...)

La Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, paragraphe 18.1(4):

    Motifs - Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas:

      a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

      b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

      c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

      d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

      e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages(...)

      f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

Questions de compétence

Il est constant que la norme de réexamen des questions de compétence est le "caractère correct". En l'espèce, le groupe spécial doit uniquement examiner si la décision du TCCE a un caractère correct. S'il conclut qu'elle n'a pas ce caractère correct, le groupe spécial doit la renvoyer au TCCE avec des directives pour que le tribunal corrige son erreur. Il faut faire la distinction entre les questions qui touchent la compétence et les autres. Les questions de droit et de faits qui sont de la compétence du tribunal sont assujetties aux normes d'examen abordées ci-après.

La Cour suprême du Canada a adopté une méthode d'analyse pragmatique et fonctionnelle pour faire la distinction entre les problèmes de compétence et les questions qui sont de la compétence du tribunal. Cette méthode d'analyse porte sur le libellé de la disposition législative qui confère la compétence, l'objet de la loi qui crée le tribunal, la raison d'être de ce tribunal, le domaine d'expertise de ses membres et la nature du problème soumis au tribunal 6 . Il s'agit de déterminer si le législateur a voulu que ce soit le tribunal administratif ou bien les cours de justice qui tranchent ultimement la question en litige . 7

En matière d'antidumping, le TCCE est constitué en vertu de la LMSI et de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur8 , telle que modifiée. Les décisions rendues par le TCCE aux termes de l'article 42 de la LMSI pour déterminer si le dumping de marchandises au Canada a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises semblables au Canada relèvent de la compétence et de l'expertise du TCCE . 9

Par conséquent, pour déterminer les questions de compétence, le présent groupe spécial va appliquer la norme du caractère correct selon une analyse pragmatique et fonctionnelle de la loi.

Questions de droit

Pour déterminer la norme d'examen applicable aux demandes concernant les décisions d'un tribunal administratif, notamment les demandes présentées aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, les tribunaux canadiens ont adopté une gamme de normes de contrôle qui va de celle du caractère manifestement déraisonnable jusqu'à celle du caractère correct. Pour ce qui est des décisions manifestement déraisonnables, ce sont les cas où un tribunal est protégé par une disposition privative et rend une décision relevant de sa compétence, auquel cas la question est de savoir si la décision est manifestement déraisonnable. Quant aux cas de décisions correctes, ce sont les cas au sujet desquels la loi prévoit un droit d'appel qui permet à une cour siégeant en réexamen de substituer son opinion à celle du tribunal, et où le tribunal ne possède pas une expertise plus grande que celle de la cour au sujet de la question soulevée. Même lorsque la loi prévoit un droit d'appel, la cour fait preuve de retenue envers l'opinion du tribunal spécialisé pour les questions qui relèvent de sa compétence; il s'agit là d'une notion de spécialisation des tâches qui veut que la cour s'en remette à l'expertise du tribunal spécialisé . 10

L'affaire qui nous occupe se situe entre ces deux extrêmes. D'une part, il n'y a pas de disposition privative ou de disposition indiquant l'objet de la loi; de l'autre, il n'y a pas de droit d'appel prévu par la loi. Les pouvoirs du groupe spécial se limitent à un examen de la décision du TCCE pour les motifs prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, tout en tenant compte du fait que le TCCE est un tribunal qui a une expertise spécialisée et un pouvoir discrétionnaire.

Dans une récente décision concernant un appel de plein droit d'une décision rendue par un tribunal spécialisé11 , la Cour a décidé qu'il fallait faire preuve d'"une grande retenue" dans de tels cas. La même norme s'impose en l'espèce vu que le TCCE est clairement un tribunal qui a une expertise spécialisée .12

Les plaignantes américaines soutiennent que, compte tenu de l'historique législatif de l'article 96.1 de la LMSI, qui prévoit le contrôle par la Cour d'appel fédérale d'une ordonnance ou d'une conclusion rendue par le TCCE, une décision du TCCE devrait faire l'objet de moins de retenue que par le passé. La première législation antidumping13 de 1968 renfermait une disposition relative d'objet de même qu'une disposition privative. Lorsqu'elle a été remplacée par la LMSI, en 1984, la disposition privative a été enlevée, mais la disposition relative à l'objet a été conservée. Lorsque la LMSI a été révisée en 1993 (elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1994), les dispositions relatives à l'objet ont été enlevées complètement.

L'argument des plaignantes américaines ignore l'évolution de la jurisprudence pendant ce temps au Canada quant aux appels et aux contrôles portant sur les décisions rendues par les tribunaux spécialisés. Les décisions déjà citées montrent que les tribunaux spécialisés font l'objet d'une retenue considérable, même lorsqu'il n'y a pas de disposition privative ou de disposition relative à l'objet.

Par conséquent, pour ce qui est du droit, le groupe spécial n'interviendra pas à l'encontre du TCCE si l'interprétation de la loi que fait celui-ci est fondée sur un motif raisonnable et le groupe spécial va appliquer la norme de grande retenue, que les tribunaux ont qualifiée de "retenue considérable".

Questions de faits

Dans l'examen du caractère raisonnable d'une décision rendue par un tribunal, il faut aussi faire montre d'une grande retenue dans la détermination des faits, surtout la détermination de faits où un tribunal comme le TCCE a une expertise spécialisée et un pouvoir discrétionnaire. Le présent groupe spécial va appliquer cette norme et n'interviendra pas dans les conclusions de faits du TCCE à moins que les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne puissent étayer les conclusions en question . 14

Justice naturelle et équité procédurale

Dans un arrêt de principe rendu par la Cour suprême du Canada15 , il a été décidé que les principes de justice naturelle et d'équité applicables aux cas individuels varieront selon les circonstances de chaque cas. La question sous-jacente à laquelle les tribunaux ont cherché à répondre dans les affaires de justice naturelle et d'équité est la suivante: compte tenu des faits de ce cas particulier, le tribunal a-t-il agi équitablement à l'égard de la personne qui se prétend lésée?

Un des principes de justice naturelle universellement reconnu (qui est en cause en l'espèce) est que personne ne doit être condamné sans avoir été entendu (audi alteram partem). Le tribunal doit entendre équitablement les deux parties au litige afin de leur donner la possibilité de rectifier ou de contredire toute déclaration pertinente qui leur est préjudiciable. Un tribunal ne doit pas entendre des témoignages en l'absence de la partie dont la conduite contestée fait l'objet de l'examen. Cette partie doit être informée des témoignages et des déclarations qui l'intéressent et avoir la possibilité de les rectifier ou de les contredire. Quiconque est appelé à rendre une décision ne doit pas recueillir des témoignages ou entendre des arguments d'une partie dans le dos de l'autre . 16

La norme d'examen indiquée, que le groupe spécial entend appliquer lorsque l'on soutien qu'il y a un manquement à la justice naturelle, vise à déterminer si le TCCE a manqué à ces principes.

III. LES QUESTIONS

Voici les questions que le groupe spécial a identifié comme les questions importantes pour lui permettre d'en arriver à une décision quant à la plainte des plaignantes américaines:

1. Le TCCE a-t-il fait erreur en concluant à un préjudice relativement à toutes les marchandises de tous les exportateurs, sans tenir compte de l'existence d'éléments de preuve que certains des exportateurs avaient ou n'avaient pas contribué au préjudice, ou au préjudice probable, pour l'industrie canadienne?

2. Le TCCE a-t-il fait erreur en appliquant la méthode du cumul pour conclure que le dumping a causé un préjudice sensible à l'industrie canadienne dans le cas où un exportateur a présenté des éléments de preuve selon lesquels il n'a pas contribué au préjudice?

3. Le TCCE a-t-il fait erreur

    (1) en concluant qu'un ou certains des facteurs suivants, externes au dumping, n'altéraient pas ses conclusions selon lesquels les importations faisant l'objet de dumping avaient causé ou causaient un préjudice sensible à l'industrie canadienne, à savoir:

      a) la récession;

      b) l'entrée sur le marché de Sorevco, de Z-Line et de DNN;

      c) les fluctuations du taux de change;

      d) la fermeture de l'installation de lingots fabriqués de Dofasco et les coûts des régimes de retraite;

    (2) en ne tenant pas compte de l'un ou de l'autre des facteurs externes suivants :

      a) la vente de surplus de matières premières;

      b) les réductions de tarifs de 8% à 4% en application de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ) et de l'ALÉNA.

4. Le TCCE a-t-il manqué à la justice naturelle en préparant, après les auditions, des analyses sur l'effet de Z-Line et de DNN sur Stelco et Dofasco et sur l'effet de l'augmentation du pourcentage de produits qui ne sont pas de première qualité, et en omettant d'envoyer un questionnaire à Z-Line et à DNN? L'omission d'envoyer les questionnaires constitue-t-elle une erreur portant atteinte à sa compétence?

5. Le TCCE a-t-il fait erreur en refusant d'accorder les exclusions demandées par les plaignantes américaines?

6. Le TCCE a-t-il fait erreur en ajoutant les plaignantes américaines à ses conclusions de probabilité de préjudice futur?

    La plainte de Stelco, appuyée par CCC, soulève les deux questions suivantes:

7. Le TCCE a-t-il fait erreur en permettant l'exclusion de marchandises en cause produites par électrozingage et utilisées dans la fabrication de véhicules automobiles?

8. Le TCCE a-t-il manqué à la justice naturelle en omettant de demander des éléments de preuve au sujet de CCC quant à l'exclusion de produits électrozingués ou en n'accordant pas toute l'attention voulue aux effets préjudiciables éventuels d'une telle exclusion pour CCC?

Décisions quant aux questions concernant les plaignantes américaines

Question
n 1:
Le TCCE a-t-il fait erreur en concluant à un préjudice o relativement à toutes les marchandises de tous les exportateurs, sans tenir compte de l'existence d'éléments de preuve que certains des exportateurs avaient ou n'avaient pas contribué au préjudice, ou au préjudice probable, pour l'industrie canadienne?
Question
n 2:
Le TCCE a-t-il fait erreur en appliquant la méthode du cumul o pour conclure que le dumping a causé un préjudice sensible à l'industrie canadienne dans le cas d'un exportateur qui a présenté des éléments de preuve selon lesquels il n'a pas contribué au préjudice?

Pour déterminer si l'industrie canadienne avait souffert un préjudice sensible, ou en était menacée, le TCCE a examiné le cumul des importations de tous les pays concernés selon ce que l'on appelle la méthode du cumul. Pour ce faire, il s'est référé à l'article 3 du Code antidumping et à la règle 61 du TCCE, et il a analysé les facteurs qui y sont mentionnés . 17

Après avoir défini les caractéristiques du marché des marchandises en cause, il a procédé à une analyse des indicateurs économiques. Il a constaté que, aux environs de 1992, des réductions substantielles étaient offertes à presque tous les secteurs du marché, et que, malgré une amélioration générale des prix en 1993 et en 1994, des réductions importantes sur le prix étaient encore offertes dans certaines parties du marché. Le TCCE a aussi constaté que, à cause de ces réductions et de ces remises, les recettes moyennes provenant des ventes de marchandises en question ont baissé en 1991 et en 1992 puis ont augmenté légèrement en 1993, ce qui a causé une baisse de profits pour les exportateurs canadiens. Il a constaté une chute de 73 p. 100 de la rentabilité du marché canadien entre 1990 et 1993, ce qui, selon lui, pourrait néanmoins ne pas représenter tout le préjudice financier subi. Comme une gamme de produits connue comme la gamme DNN, pour laquelle Dofasco était partenaire, et une gamme connue sous le nom de Z-Line, lancée par Stelco, ont été mises en marché pendant la période en question, le TCCE a consolidé les résultats financiers de ces gammes de produits avec ceux de Dofasco et avec ceux de Stelco, et il a conclu que l'incidence sur l'état des résultats financiers de cette industrie était minime . 18

Le TCCE s'est demandé s'il existait un lien de causalité entre le préjudice sensible subi par l'industrie canadienne et les importations faisant l'objet du dumping, soulignant que le préjudice découle des pertes et des faibles bénéfices attribuables à la réduction des recettes unitaires moyennes. Il a étudié la preuve à un niveau global et il a constaté que la corrélation entre les prix sous-évalués et la compression des prix établissaient un lieu de causalité entre les importations sous-évaluées et la compression des prix de l'industrie canadienne. Il a ensuite examiné le lien de causalité au niveau des clients en citant les témoignages de personnes connaissant le marché et en se référant aux documents renfermant des renseignements sur les prix. Le tribunal a alors conclu que les importations en cause avaient contribué considérablement à l'instabilité, à l'érosion et à la compression des prix sur le marché canadien. Il a ensuite examiné plus particulièrement le secteur automobile et il a constaté que les aciéries canadiennes ont dû réduire progressivement leurs prix pour demeurer concurrentielles . 19

Par conséquent, le TCCE a conclu que les importations sous-évaluées ont causé et causent un préjudice sensible à l'industrie canadienne et qu'il existe clairement un lien de causalité entre le dumping et le préjudice.

Les plaignantes américaines soutiennent que le paragraphe 42(1) de la LMSI exige l'existence d'un lien de causalité entre le dumping et le préjudice subi par certains exportateurs en particulier et que ce lien ne peut pas être établi par la seule application de la méthode de cumul. Elles soutiennent que la détermination de causalité prévue au paragraphe 42(1) est une question de droit qui concerne la compétence du tribunal. Elles soutiennent qu'il doit exister une preuve reliant leurs exportations au préjudice subi. Elles soutiennent que, si un exportateur présente une preuve claire qu'il n'a pas contribué au préjudice subi par l'industrie canadienne, le TCCE doit examiner cette preuve et, si celle-ci est suffisante, il doit conclure que l'exportateur n'a pas contribué au préjudice en question. Par conséquent, elles soutiennent que le TCCE a erré en droit et qu'il a omis d'exercer sa compétence en n'examinant pas certains éléments de preuve, notamment en ce qui concerne l'établissement des prix et la part du marché, selon lesquelles elles n'ont pas contribué au préjudice.

Les parties adverses appuient l'application de la méthode du cumul fait par le TCCE et, à l'appui de leur position, elles citent la décision rendue dans l'affaire Hitachi20 . Elles appuient la conclusion du TCCE que les importations sous-évaluées, prises cumulativement, représentaient une part suffisamment grande du marché canadien pour justifier une conclusion de préjudice sensible. Elles soutiennent aussi que la preuve permet de conclure que les plaignantes américaines ont contribué au préjudice. Elles font valoir que tout ce qui est en jeu ici ne repose que sur des questions de faits et qu'il existe assez d'éléments de preuve pour justifier la conclusion du TCCE.

Le groupe spécial considère que l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hitachi répond complètement à la question n 1. Dans cette affaire, la Cour a maintenu une conclusion de o préjudice futur même s'il n'y avait pas eu de preuve que les prix avaient été coupés par certains exportateurs. L'application de la méthode du cumul, même si elle n'est pas obligatoire 21 , est une pratique courante que le TCCE utilise dans les enquêtes pour examiner si les importations sous-évaluées ont causé un préjudice à l'industrie canadienne . 22

La détermination de la causalité est en grande partie une question de faits qui est de la compétence du TCCE . Comme la décision du TCCE23 repose sur des éléments de preuve suffisants , 24 le groupe spécial n'interviendra pas à ce sujet.

Les plaignantes américaines font erreur lorsqu'elles soutiennent que le mot "cause" est une simple question de vocabulaire qui peut faire l'objet d'un examen en fonction de la norme du caractère correct de la décision25 . Selon l'approche pragmatique et fonctionnelle adoptée par la Cour suprême26 , il est clair que la détermination de la causalité aux termes de l'article 42 de la LMSI relève de la compétence attribuée au TCCE et se trouve au coeur de l'expertise de ce tribunal.

L'article 42 de la LMSI n'oblige pas le TCCE à conclure que certains exportateurs n'ont pas causé de préjudice dans le cas où ils démontrent par des éléments de preuve positifs que ce n'est pas le cas. L'argument invoqué par les plaignantes américaines est erroné parce qu'il repose sur l'hypothèse que la responsabilité du préjudice doit être déterminée en fonction de chaque exportateur. Rien n'oblige le TCCE à examiner la preuve exportateur par exportateur avant de conclure initialement au préjudice.

Par conséquent, le groupe spécial conclut que le TCCE n'a pas fait erreur en ce qui concerne les questions n 1 et 2. Les questions soulevées à cet égard relèvent de la compétence du TCCE et touchent des matières pour lesquelles il a une grande expertise.

S'il était démontré que certaines plaignantes américaines n'ont pas causé de préjudice, la question serait alors de savoir s'il est possible de procéder à une exclusion en leur faveur, et non de savoir si elles sont visées par la conclusion initiale de préjudice. Il s'agit là en réalité d'une demande d'exclusion en faveur d'une société productrice.

Question n 3: Le TCCE a-t-il fait erreur

    (1) en concluant qu'un ou certains des facteurs suivants, externes au dumping, n'altéraient pas ses conclusions selon lesquelles les importations faisant l'objet de dumping avaient causé ou causaient un préjudice sensible à l'industrie canadienne:

      a) la récession;

      b) l'entrée sur le marché de Sorevco, de Z-Line et de DNN;

      c) les fluctuations du taux de change;

      d) la fermeture de l'installation de lingots fabriqués de Dofasco et les coûts de ses pensions de retraite;

    (2) en ne tenant pas compte de l'un ou de l'autre des facteurs externes suivants:

      a) la vente de surplus de matières premières;

      b) les réductions de tarifs de 8% à 4% en application de l'ALÉ et de l'ALÉNA.

Le TCCE a examiné des facteurs autres que le dumping qui, selon lui, pourraient avoir causé l'érosion et la compression des prix. Il a tenu compte des effets de la récession, de l'augmentation de capacité causée par Z-Line, DNN Line et Sorevco, de la vente de produits qui ne sont pas de première qualité assortis d'importantes réductions de prix, de l'effet des fluctuations des taux de change et de l'effet sur l'industrie de la fermeture de l'installation de lingots fabriqués de Dofasco ainsi que de la hausse des coûts des régimes de retraite. Le tribunal a reconnu que des facteurs autres que le dumping avaient eu certains effets sur le prix des marchandises en cause sur le marché canadien, mais il n'a pas été convaincu que ces autres facteurs expliquaient l'ampleur de l'érosion et de la compression des prix qui ont causé la baisse de profits qu'a connue l'industrie canadienne . 27

Les plaignantes américaines soutiennent que le TCCE a fait erreur en omettant de conclure que la baisse des prix sur le marché canadien avait été causée par les facteurs ci-dessus, notamment en omettant d'examiner les éléments 2a) et b), et que cette baisse n'avait pas été causée par le dumping.

Les parties adverses maintiennent que le TCCE a dûment considéré tous les facteurs externes au dumping.

Le groupe spécial conclut que le TCCE n'a pas fait erreur en ce qui concerne la question no 3. La question de savoir si le préjudice subi par l'industrie canadienne a été causé par le dumping ou par d'autres facteurs est clairement une question qui relève de la compétence et de l'expertise du TCCE dans l'exercice des attributions que lui confère l'article 42 de la LMSI. Il s'agit là d'une question de faits et la preuve peut raisonnablement étayer les conclusions du tribunal en l'espèce.

Question
n 4:
Le TCCE a-t-il manqué à la justice naturelle en préparant, après o les auditions, des analyses sur l'effet de Z-Line et de DNN sur Stelco et Dofasco et sur l'effet de l'augmentation du pourcentage de produits qui ne sont pas de première qualité, et en omettant d'envoyer un questionnaire à Z-Line et à DNN? L'omission d'envoyer les questionnaires constitue-t-elle une erreur portant atteinte à sa compétence?

Les plaignantes américaines ont demandé que le TCCE considère les ventes de produits qui ne sont pas des produits de première qualité et, après l'audition, le tribunal a procédé à une analyse pour savoir si les profits de l'industrie canadienne avaient subi des conséquences négatives à la suite de la vente à perte d'un plus grand nombre de produits qui n'étaient pas des produits de première qualité; il a conclu que ces ventes auraient eu un effet minime sur la position financière de l'industrie . 28

Les plaignantes américaines soutiennent que les statistiques utilisées par le tribunal n'étaient pas suffisantes vu qu'elles ne comprenaient pas les résultats financiers déclarés par Z-Line et par DNN Line. Le tribunal a convenu que son analyse devrait comprendre les résultats de ces opérations et, par conséquent, après l'audition, il a procédé à une analyse en englobant les résultats financiers de Z-Line et de DNN Line avec les résultats financiers de Stelco et de Dofasco. Il a alors conclu que la conséquence de cet exercice sur l'état financier de l'industrie était minime.

Les plaignantes américaines soutiennent que, pour faire ces analyses, le tribunal a utilisé des renseignements qui n'avaient pas été versés au dossier. Elles soutiennent aussi que, comme elles n'ont pas eu accès à ces analyses, elles n'ont pas pu étudier la méthode employée et qu'elles n'ont pas eu la possibilité de commenter ces analyses. Elles soutiennent qu'il y a eu là un manquement à la justice naturelle.

Les plaignantes américaines soutiennent aussi que le TCCE a commis une erreur de compétence ou a manqué à la justice naturelle en n'envoyant pas de questionnaire à Z-Line et à DNN, et en n'obtenant pas d'autres renseignements à leur sujet; selon elles, ces omissions constituent un manquement aux prescriptions du paragraphe 42(3) de la LMSI et de l'article 4.1 du Code antidumping de 1980.

Les parties adverses répondent que les analyses étaient fondées exclusivement sur des documents déjà versés au dossier et que le TCCE n'a pas fait erreur en procédant après l'audition à des analyses qu'il considérait nécessaires pour arriver à une décision, pourvu que ces analyses reposent sur la preuve. Quant au questionnaire, elles répondent que le dossier renferme tous les renseignements pertinents quant à Z-Line et à DNN.

Le groupe spécial est convaincu que les analyses en question reposaient sur des renseignements contenus au dossier. Tout tribunal doit avoir la possibilité de procéder à toutes les analyses dont il a besoin pour arriver à une décision pourvu qu'il n'utilise pas de renseignements qui ne sont pas au dossier et qui ne sont pas accessibles aux parties. Il aurait été préférable que le TCCE distribue ses analyses aux parties afin d'avoir leurs commentaires, mais le fait de ne pas avoir procédé ainsi ne constitue pas une erreur ou un manquement à la justice naturelle.

Par conséquent, le groupe spécial conclut que la question n 4 ne montre de manquement à la justice naturelle ni quant aux analyses faites après l'audition ni quant au questionnaire.

Le groupe spécial conclut aussi que, selon une approche pragmatique et fonctionnelle de l'examen de la compétence, le TCCE n'a pas commis d'erreur de compétence29 . Si l'omission d'envoyer les questionnaires à Z-Line et à DNN constituait une erreur, celle-ci a été corrigée par la preuve présentée au sujet de Z-Line et de DNN et le fait que les plaignantes américaines ont eu la possibilité à l'audition de contre-interroger les témoins et de demander la présentation d'éléments de preuve additionnels. Le TCCE n'a pas fait erreur en traitant Z-Line et DNN comme si elles faisaient partie de Stelco et de Dofasco.

11:53:04 AM
Question n 5: Le TCCE a-t-il fait erreur en refusant d'accorder les exclusions o demandées par les plaignantes américaines?

Dans son examen de la demande présentée par les plaignantes américaines visant l'exclusion de fabricants en leur faveur à elles, le TCCE a déclaré qu'il n'entend accorder des exclusions en faveur d'exportateurs que dans des cas exceptionnels, et il a refusé d'accorder les exclusions demandées. Le tribunal a fait remarquer que les plaignantes américaines représentaient environ 60% des exportations totales des États-Unis en 1993 et qu'il avait été établi que toutes ces sociétés, sauf Bethlehem Steel Export Corporation, avaient procédé, selon des marges moyennes pondérées de dumping, au dumping d'un fort pourcentage de leurs exportations au Canada, et que cela avait eu des conséquences sur l'établissement des prix des marchandises en cause par l'industrie canadienne .30

Les plaignantes américaines soutiennent qu'elles auraient dû bénéficier d'une exclusion parce que la preuve montre qu'elles n'ont pas contribué au préjudice sensible. Elles soutiennent que c'est là une erreur de compétence et de droit.

Les parties adverses prétendent que cette question touche aux conclusions de faits et que la décision d'accorder des exclusions relève entièrement de la compétence du TCCE.

Le groupe spécial constate qu'il a été établi que Bethlehem Steel Export Corporation n'a pas procédé au dumping. Il n'existe pas de loi prévoyant l'exclusion d'un fabricant dans de telles circonstances; le fait de ne pas être responsable de dumping ne donne pas nécessairement droit à une exclusion . Cette décision31 relève du pouvoir discrétionnaire du TCCE.

Le groupe spécial conclut que le TCCE n'a pas fait d'erreur en n'accordant pas les exclusions d'exportateurs demandées. La décision d'accorder une exclusion est une question qui relève de l'expertise et du pouvoir discrétionnaire du TCCE. Celui-ci a examiné les facteurs présentés par les plaignantes américaines; il a exercé son pouvoir discrétionnaire et, en l'absence d'erreur de principe dans l'exercice de ce pouvoir, le groupe spécial n'interviendra pas.

Question n 6: Le TCCE a-t-il fait erreur en ajoutant les plaignantes o américaines dans ses conclusions de probabilité de préjudice futur?

En concluant à la probabilité d'un préjudice sensible futur, le TCCE a tenu compte de plusieurs facteurs. Il a souligné que la prospérité future de l'industrie de l'acier repose de plus en plus sur les produits galvanisés et que, par conséquent, une compression des prix peut avoir des conséquences plus graves pour l'avenir qu'actuellement. Il a cité les conclusions de 1993 de l'U.S. International Trade Commission qui restreignent l'accès au marché américain, créant ainsi un risque de détournement des courants commerciaux vers le Canada. Le tribunal a constaté le fait que l'importance des investissements rend nécessaire des taux d'utilisation très élevés. Il a constaté que, même si le secteur de l'automobile se porte bien, il est très compétitif, et que les clients peuvent profiter du plus bas prix possible, notamment les prix sous-évalués. Il a conclu que le secteur de la construction est fragile et incertain et que les usines de ce secteur fonctionnent à environ 75% de leur capacité. Il a ensuite examiné la situation en Europe et au Japon et il a constaté que les prix sous-évalués de ces marchés donnent toutes les raisons de croire que la concentration se fera vers les marchés d'exportation, notamment le Canada. En ce qui concerne le Canada, le TCCE a constaté que les importations à bas prix ont continué d'entraver les prix, malgré la baisse de la valeur du dollar canadien, et le tribunal a conclu que la preuve montre que la pratique constante de couper les prix et le fait de sous-évaluer selon des marges généralement considérables occasionnent un risque d'instabilité permanente pour le marché canadien. Finalement, le tribunal souligne que les hausses des prix canadiens étaient de 50% inférieures aux hausses de prix américains et que, néanmoins, l'industrie canadienne doit toujours offrir des réductions importantes à plusieurs clients.

Le TCCE a conclu que, sans les droits antidumping, l'industrie canadienne continuerait d'avoir des difficultés à offrir des prix qui assureraient des rendements raisonnables, et que, par conséquent, elle subirait un préjudice sensible dans l'avenir . 32

Les plaignantes américaines contestent la décision du TCCE en ce qui les concerne. Elles soutiennent que le TCCE a commis des erreurs de compétence et de droit et qu'il a tiré des conclusions de faits sans égard à la preuve qui lui avait été soumise.

Les parties adverses répondent que la question de savoir s'il est probable que le dumping cause un préjudice sensible dans l'avenir est une question qui relève de la compétence du TCCE, que celui-ci n'a pas erré en concluant à la probabilité d'un préjudice futur et qu'il n'était pas obligé de conclure à la probabilité d'un préjudice causé particulièrement par les plaignantes américaines.

Le groupe spécial conclut que le TCCE n'a pas erré en ce qui concerne la question n 633 . Le TCCE a examiné suffisamment de facteurs pour justifier sa conclusion et il existe des éléments de preuve pour étayer sa décision. Celle-ci est conforme à l'article 3.6 du Code antidumping et aux recommandations concernant les menaces de préjudice sensible retenues par le Comité des pratiques antidumping . 34

Décisions quant aux questions soulevées par la plainte de Stelco

Question n 7: Le TCCE a-t-il fait erreur en permettant l'exclusion de o marchandises en cause produites par électrozingage et utilisées dans la fabrication de véhicules automobiles?

À la demande des plaignantes américaines, le TCCE a accordé une exclusion pour certains produits électrozingués en tôle d'acier résistant à la corrosion utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles. Le tribunal a déclaré que CCC est le seul fabricant de produits électrozingués en tôle d'acier résistant à la corrosion au Canada et il a conclu qu'il n'avait pas été prouvé que CCC avait vendu de ces produits dans le secteur de l'automobile pendant la période visée par l'enquête, ou que sa ligne de produits électrozingués peut être utilisé dans la fabrication des produits pour ce marché. Par conséquent, le tribunal a conclu que l'on ne fabrique pas au Canada de tels produits utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles . 35

Le TCCE a ensuite examiné les arguments de Stelco qui soutient que les produits qu'elle réalise par immersion à chaud peuvent être substitués à des produits électrozingués. Le tribunal a conclu, entre autres choses, que, bien que Stelco soit arrivée à prouver qu'elle avait pu remplacer certains produits électrozingués par des produits réalisés par immersion à chaud pour certains composants d'automobiles, il existait des éléments de preuve substantiels montrant que les fabricants d'automobiles insistent encore pour utiliser des produits électrozingués pour bon nombre de pièces d'automobiles non exposées et que cela n'est pas près de changer. Le tribunal a rejeté les arguments de Stelco à l'effet de ne pas accorder cette exclusion . 36

Stelco soutient que la partie qui demande une exclusion a le fardeau de la preuve et qu'une exclusion ne sera pas accordée lorsque, entre autres raisons, il existe au pays une production domestique de marchandises concurrentielles non identiques qui peuvent remplacer celles pour lesquelles la demande d'exclusion est faite. Stelco soutient que le TCCE aurait dû conclure que les produits réalisés par immersion à chaud peuvent être substitués aux produits électrozingués pour la fabrication de pièces d'automobiles non-exposées, et que la question devrait être renvoyée au TCCE avec instruction de refuser l'exclusion de produits électrozingués utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles. À défaut, Stelco demande le renvoi au TCCE avec instruction de préciser les applications pour lesquelles les produits réalisés par immersion à chaud peuvent être substitués aux produits électrozingués.

Les parties adverses nient que les produits réalisés par immersion à chaud puissent être des produits de substitution et elles soutiennent que les clients préfèrent utiliser des produits électrozingués, parfois de façon exclusive.

Le groupe spécial constate que le TCCE a conclu qu'il existe des différences concrètes entre les produits réalisés par immersion à chaud et les produits électrozingués, et que les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour ces derniers. Le groupe spécial constate aussi qu'il existe des différences concrètes entre les produits électrozingués utilisés dans l'industrie de l'automobile et ceux employés dans les autres secteurs. Même si les fabricants canadiens soutiennent qu'une hausse de prix répartie sur tous les produits leur permettrait de convaincre le consommateur d'acheter des produits réalisés par immersion à chaud plutôt que des produits électrozingués, le TCCE n'est pas tenu d'accorder une exclusion pour ce motif, même si c'est le cas. Le TCCE a un large pouvoir discrétionnaire pour limiter la portée de la mesure antidumping.

Par conséquent, le groupe spécial conclut que le TCCE n'a pas erré en ce qui concerne la question n 7. Comme on l'a vu précédemment, l'attribution d'une exclusion relève de l'expertise o spécialisée et du pouvoir discrétionnaire du TCCE37 . Le tribunal a examiné la question qui lui était soumise et il n'a pas appliqué de principe erroné.

Question
n 8:
Le TCCE a-t-il manqué à la justice naturelle en omettant de o demander des éléments de preuve au sujet de CCC quant à l'exclusion de produits électrozingués ou en n'accordant pas l'attention voulue aux effets préjudiciables éventuels d'une telle exclusion pour CCC?

La société CCC soutient que, puisqu'elle est le seul fabricant de produits électrozingués au Canada, on aurait dû lui demander de fournir des renseignements au sujet de cette exclusion. On soutient que la décision a été faite sans égard aux effets possiblement négatifs pour CCC, et que le TCCE aurait dû reconnaître qu'il existait un danger que des produits électrozingués importés au Canada pour la fabrication d'automobiles soient détournés vers le marché où CCC est un compétiteur.

Le groupe spécial constate que la société CCC est le seul fabricant de produits électrozingués au Canada, qu'il n'y a pas de preuve qu'elle a vendu de ces produits dans le secteur de l'automobile, ou que son produit a les caractéristiques exigées par ce secteur38 . Il est donc évident qu'il existe suffisamment de preuve pour étayer la conclusion du TCCE selon laquelle les affaires de CCC ne seraient pas touchées par l'exclusion. Quant à la possibilité de détournement, il a été établi devant le groupe spécial que Stelco, et non pas CCC, avait soumis cette question au TCCE. Le TCCE a exercé son pouvoir discrétionnaire et, comme ce tribunal n'a pas appliqué de principe erroné identifiable en exerçant cette discrétion, le groupe spécial n'interviendra pas dans la décision rendue.

Par conséquent, le groupe spécial conclut que le TCCE n'a pas erré en ce qui concerne la question n 8. Il s'agit là d'une question qui relève de l'expertise spécialisée du TCCE et ses conclusions sont étayées par des éléments de preuve.

IV. CONCLUSION

Par conséquent, le groupe spécial ordonne que les conclusions du Tribunal canadien du commerce extérieur relativement à cette affaire soient maintenues.

ONT SIGNÉ L'ORIGINAL:

    E. Neil McKelvey, O.C., Q.C. (président)

    Edward C. Chiasson, c.r.

    Timothy A. Harr

    Maureen Irish

    Lauren D. Rachlin

Décision délivrée le 10 juillet 1995


1 Gazette du Canada, Partie I, vol. 28, n 32, le 6 août 1994, page 3575.

2 Conclusions, TCCE, NQ-93-007.

3 Gazette du Canada, Partie I, vol. 128, n 29, le 16 juillet 1994, page 3324.

4 Exposé des motifs du TCCE, p. 18 à 50.

5 Gazette du Canada Partie II, Vol. 125, n 18, le 28 août 1991, p. 2912.

6 U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, à la p. 1088.

7 SRC c. Canada (CRT), [1995] 1 R.C.S. 157, à la p. 179.

8 Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4 supp.).

9 National Corn Growers c. T.C.I., [1990] 2 R.C.S., 1324, à la page 1346.

10 Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, aux pages 590 et 591; SRC c. Canada (CRT), [1995] 1 R.C.S. 157, aux pages 178 et 179, voir note 7 ci-dessus.

11 Pezim, à la note 10 ci-dessus, à la page 599.

12 Voir l'analyse des fonctions du TCCE dans la décision Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés des Ètats-Unis (préjudice), 1994, CDA-93- 1904-07.

13 La Loi antidumping, S.R.C. 1970, ch. A-15.

14 Lester(W.W.) c. A.U.C.A.I.P.T., section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, à la page 669.

15 Martineau c. Comité de discipline de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602, aux pages 630 et 631.

16 Kane c. Cons. d'administration de l'U.C.-B., [1980] 1 R.C.S. 1105, aux pages 1113 et 1114.

17 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 28 et 29.

18 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 15 à 18, et aux pages 24 à 25.

19 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 24 à 35.

20 Hitachi Limited et autres c. Tribunal antidumping et autres, [1979] 1 R.C.S. 93.

21 La tôle en acier carbone laminé à chaud et la tôle en acier haute résistance faiblement allié traitée à chaud ou non, originaires ou exportées des Ètats-Unis (préjudice), 1994, CDA-93- 1904-06.

22 Moteurs à induction polyphasés originaires ou exportés du Brésil, de France, du Japon, de Suède, de Taïwan, du Royaume-Uni et des Ètats-Unis d'Amérique (préjudice), 1994, CDA-93- 1904-06; Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés des Ètats-Unis (Préjudice) 1994, CDA-93-1904-07; Certaines tôles d'acier laminées à froid originaires ou exportées des Ètats-Unis d'Amérique (Préjudice) 1994, CDA-93-1904-09.

23 Sacilor Acieries et al v. The Anti-dumping Tribunal et al. (1985), 9 C.E.R. 210. National Corn Growers c. T.C.I., précitée à la note 9 ci-dessus.

24 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 28 à 36.

25 Canada (P.g.) c. Mossop [1993] 1 R.C.S. 554.

26 Bibeault, précitée à la note 6 ci-dessus.

27Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 23 à 28 et 36 à 40.

28 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 23 à 27 et 37 à 39.

29 Bibeault, précitée à la note 6 ci-dessus.

30 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 49 et 50.

31 Certaines tôles d'acier laminées à froid, à la note 22 ci-dessus. Sacilor, précitée à la note 23 ci-dessus.

32 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 40 à 46.

33 Le professeur Irish, membre du groupe spécial, souscrit à la décision du TCCE en ce qui concerne la menace de préjudice sensible, mais elle croit que le raisonnement tenu par le TCCE contient une erreur de droit qui ne peut pas être maintenue malgré la norme d'examen imposant de faire preuve de grande retenue. Elle conclurait que le TCCE a erré en tenant compte de la nature cyclique de l'industrie de l'acier (Ènoncé des motifs du TCCE, aux pages 39 et 40). Elle conclurait que cette analyse est fondée sur une interprétation erronée de l'exigence de préjudice sensible inscrite à la LMSI, examinée en fonction de l'article 9.1 du Code antidumping du GATT (National Corn Growers c. T.C.I., note 9 ci-dessus, aux pages 1371 et 1372). Cependant, le professeur Irish souscrit à la décision du groupe spécial et maintient la décision du TCCE comme une conclusion de faits vu qu'elle est raisonnablement fondée sur d'autres éléments de preuve.

34 Le 21 octobre 1985, ADP/25, (IBDD) 2 suppl., Genève, mars 1986, aux pages 195 à 197.

35 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus à la page 47.

36 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus aux pages 46 à 50.

37Hetex Garn A.G. c. Le tribunal antidumping, [1978] 2 C.F. 507.

38 Ènoncé des motifs du TCCE, note 4 ci-dessus, page 47.