Accord de libre-échange nord-américain

PARTIE VI: PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Chapitre 17: Propriété intellectuelle (suite)


Article 1712: Indications géographiques

1. Pour ce qui est des indications géographiques, chaque Partie prévoira les moyens juridiques qui permettent aux personnes intéressées d'empêcher:

    a) l'utilisation, dans la désignation ou la présentation d'un produit, de tout moyen qui indique ou suggère que le produit en question est originaire d'un territoire, d'une région ou d'une localité autre que le véritable lieu d'origine d'une manière qui induit le public en erreur quant à l'origine géographique du produit;

    b) toute utilisation qui constitue un acte de concurrence déloyale au sens de l'article 10 bis de la Convention de Paris.

2. Chaque Partie refusera ou invalidera, de son propre chef si sa législation interne le permet, ou à la demande d'une personne intéressée, l'enregistrement d'une marque de fabrique ou de commerce qui comporte une indication géographique ou qui est constituée par une telle indication, pour des produits qui ne sont pas originaires du territoire, de la région ou de la localité indiqué, si l'utilisation de cette indication dans la marque de commerce pour de tels produits est de nature à induire le public en erreur quant au véritable lieu d'origine de ceux-ci.

3. Chaque Partie appliquera également les dispositions des paragraphes 1 et 2 à une indication géographique qui, bien qu'elle soit littéralement exacte pour ce qui est du territoire, de la région ou de la localité dont les produits sont originaires, donne à penser à tort au public que les produits sont originaires d'un autre territoire, ou d'une autre région ou localité.

4. Aucune disposition du présent article ne sera interprétée comme exigeant d'une Partie qu'elle empêche qu'une indication géographique particulière d'une autre Partie identifiant des produits ou services ne soit utilisée de manière continue et similaire, en rapport avec ces derniers, par ceux de ses ressortissants ou résidents qui ont utilisé cette indication géographique de manière continue pour des produits ou services identiques ou apparentés sur le territoire de cette Partie:

    a) soit pendant au moins 10 ans,

    b) soit, de bonne foi, avant la signature du présent accord.

5. Lorsqu'une marque de fabrique ou de commerce a été demandée ou enregistrée de bonne foi, ou lorsque les droits à une marque de fabrique ou de commerce ont été acquis par une utilisation de bonne foi:

    a) avant la date d'application des présentes dispositions dans cette Partie, ou

    b) avant que l'indication géographique ne soit protégée dans son pays d'origine,

aucune Partie ne peut adopter, pour mettre en oeuvre le présent article, des mesures qui préjugeront la recevabilité ou la validité de l'enregistrement d'une marque de fabrique ou de commerce, ou le droit d'utiliser une marque de fabrique ou de commerce, au motif que cette marque est identique ou analogue à une indication géographique.

6. Aucune Partie ne devra appliquer les dispositions du présent article en ce qui concerne une indication géographique qui est identique au terme connu dans le langage courant sur le territoire de cette Partie comme étant le nom usuel des produits ou services visés.

7. Une Partie pourra disposer que toute demande formulée en vertu du présent article au sujet de l'utilisation ou de l'enregistrement d'une marque de fabrique ou de commerce devra être présentée dans un délai de cinq ans après le moment où l'utilisation abusive de l'indication protégée a été connue de manière générale dans cette Partie ou après la date d'enregistrement de la marque de fabrique ou de commerce dans cette Partie, à condition que la marque ait été publiée à cette date, si celle-ci est antérieure à la date à laquelle l'utilisation abusive a été connue de manière générale dans cette Partie, à condition que l'indication géographique ne soit pas utilisée ou enregistrée de mauvaise foi.

8. Aucune des mesures adoptées par l'une ou l'autre des Parties pour assurer la mise en oeuvre des dispositions du présent article ne doit préjuger le droit de toute personne d'utiliser, au cours d'opérations commerciales, son nom ou celui de son prédécesseur en affaires, sauf si ce nom forme la totalité ou une partie d'une marque de fabrique ou de commerce valide qui existait avant que l'indication géographique ne soit protégée et avec laquelle une confusion est probable, ou sauf si ce nom est utilisé de manière à induire le public en erreur.

9. Aucune des dispositions du présent chapitre ne sera interprétée comme obligeant une Partie à protéger une indication géographique qui n'est pas protégée ou qui est tombée en désuétude dans la Partie d'origine.

Article 1713: Dessins et modèles industriels

1. Chaque Partie prévoira la protection des dessins et modèles industriels créés de manière indépendante qui sont nouveaux ou originaux. Une Partie pourra disposer que:

    a) des dessins et modèles ne sont pas nouveaux ou originaux s'ils ne diffèrent pas notablement de dessins ou modèles connus ou de combinaisons de dessins connus;

    b) une telle protection ne s'étendra pas aux dessins et modèles répondant essentiellement à des considérations techniques ou fonctionnelles.

2. Chaque Partie fera en sorte que les prescriptions visant à garantir la protection des dessins et modèles de textiles, en particulier pour ce qui concerne tout coût, examen ou publication, ne compromettent pas indûment la possibilité, pour une personne, de demander et d'obtenir cette protection. Une Partie peut s'acquitter de cette obligation au moyen de la législation sur les dessins et modèles industriels ou au moyen de la législation sur le droit d'auteur.

3. Chaque Partie accordera au titulaire d'un dessin ou modèle industriel protégé le droit d'empêcher d'autres personnes agissant sans son consentement de fabriquer ou de vendre des articles portant ou comportant un dessin ou modèle qui est, en totalité ou pour une part substantielle, une copie de ce dessin ou modèle protégé, lorsque ces activités seront entreprises à des fins de commerce.

4. Une Partie peut prévoir des exceptions limitées à la protection des dessins et modèles industriels, à condition que celles-ci n'entrent pas indûment en conflit avec l'exploitation normale de dessins ou modèles industriels protégés et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du propriétaire du dessin ou modèle protégé, compte tenu des intérêts légitimes d'autres personnes.

5. Chaque Partie offrira une période de protection des dessins et modèles industriels d'au moins dix ans.

Article 1714: Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle: dispositions générales

1. Chaque Partie fera en sorte que sa législation nationale comportent des procédures telles que celles qui sont énoncées aux articles 1715 à 1718, de manière à permettre une action efficace contre tout acte qui porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle couverts par le présent chapitre, y compris des voies de recours rapides destinées à prévenir toute atteinte et des voies de recours de nature à décourager toute atteinte ultérieure. Ces procédures seront appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre tout usage abusif.

2. Chaque Partie veillera à ce que les procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle soient loyales et équitables, à ce qu'elles ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses et à ce qu'elles ne comportent pas de délais déraisonnables ni n'entraînent de retards injustifiés.

3. Chaque Partie doit prévoir qu'en cas de procédure judiciaire et administrative destinée à faire respecter un droit, les décisions au fond:

    a) seront de préférence écrites et énonceront les raisons qui justifient les décisions;

    b) seront mises à la disposition au moins des parties au différend sans retard indu;

    c) s'appuieront uniquement sur des éléments de preuve sur lesquels ces parties ont eu la possibilité de se faire entendre.

4. Chaque Partie veillera à ce que les parties à un différend aient la possibilité de demander la révision par une autorité judiciaire des décisions administratives finales et, sous réserve des dispositions attributives de compétence de la législation nationale concernant l'importance d'une affaire, au moins des aspects juridiques des décisions judiciaires initiales sur le fond. Nonobstant ce qui précède, aucune des Parties ne sera tenue de prévoir la révision judiciaire d'acquittements dans les affaires pénales.

5. Aucune des dispositions du présent article ni des articles 1715 à 1718 ne sera interprétée comme exigeant d'une Partie qu'elle mette en place, pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle, un système judiciaire distinct de celui qui vise à faire respecter les lois en général.

6. Aux fins des articles 1715 à 1718, l'expression "détenteur de droits" comprend les fédérations et les associations ayant l'intérêt requis pour faire valoir de tels droits.

Article 1715: Aspects spécifiques des procédures et voies de recours civiles et administratives

1. Chaque Partie donnera aux détenteurs de droits accès aux procédures judiciaires civiles destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle couverts par le présent chapitre. Chaque Partie prévoira que:

    a) les défendeurs seront informés en temps opportun par un avis écrit suffisamment précis indiquant notamment le fondement des allégations;

    b) les parties à une procédure seront autorisées à se faire représenter par un conseil juridique indépendant;

    c) les procédures n'imposeront pas de prescriptions excessives en matière de comparution personnelle obligatoire;

    d) toutes les parties à une telle procédure seront dûment habilitées à justifier leurs allégations et à présenter tous les éléments de preuve pertinents;

    e) la procédure comportera un moyen d'identifier et de protéger les renseignements confidentiels.

2. Chaque Partie habilitera ses autorités judiciaires:

    a) dans les cas où une partie à une procédure aura présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles suffisants pour étayer ses allégations et aura précisé les éléments de preuve à l'appui de ses allégations qui se trouvent en possession de la partie adverse, à ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, à condition, dans les cas appropriés, de garantir la protection des renseignements confidentiels;

    b) dans les cas où une partie à une procédure refuse volontairement et sans raison valable l'accès à des renseignements nécessaires, ou ne fournit pas de tels renseignements dans un délai raisonnable, ou encore entrave notablement une procédure concernant une action engagée pour assurer le respect d'un droit, à établir des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, sur la base des renseignements qui leur auront été présentés, y compris la plainte ou l'allégation présentée par la partie lésée par le deni d'accès aux renseignements, à condition de ménager aux parties la possibilité de se faire entendre au sujet des allégations ou des éléments de preuve.

    c) à ordonner à une partie à une procédure de cesser de porter atteinte à un droit, notamment pour empêcher l'introduction dans les circuits commerciaux relevant de leur compétence de produits importés qui impliquent une atteinte au droit de propriété intellectuelle, ordre qui sera exécutoire au moins immédiatement après le dédouanement de ces produits.

    d) à ordonner au contrevenant de verser au détenteur du droit des dommages-intérêts adéquats en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'atteinte portée à son droit par le contrevenant qui savait ou avait des raisons valables de croire qu'il se livrait à une activité portant une telle atteinte;

    e) à ordonner au contrevenant de payer au titulaire du droit les frais, qui pourront comprendre les honoraires d'avocat appropriés;

    f) à ordonner à une partie à la demande de laquelle des mesures ont été prises et qui a utilisé abusivement des procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle d'accorder à une partie injustement requise de faire ou de ne pas faire un dédommagement adéquat en réparation du préjudice du fait d'un tel usage abusif et de payer les frais du défendeur, qui pourront comprendre les honoraires d'avocat appropriés.

3. En ce qui concerne le pouvoir visé à l'alinéa 2, aucune Partie n'est tenue de le conférer à l'égard d'un objet protégé acquis ou commandé par une personne avant qu'elle ait su ou qu'elle ait eu des raisons valables de croire que le négoce dudit objet entraînerait une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

4. Pour ce qui est du pouvoir visé à l'alinéa 2d), une Partie peut, du moins en ce qui concerne les oeuvres et les enregistrements sonores protégés, habiliter les autorités judiciaires à ordonner le recouvrement des bénéfices ou le versement de dommages-intérêts prédéterminés, ou les deux, même si le contrevenant ne savait pas ou n'avait pas de raisons valables de croire qu'il se livrait à une activité portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

5. Afin de créer un moyen de dissuasion efficace contre les atteintes aux droits, chaque Partie habilitera ses autorités judiciaires à ordonner que:

    a) les produits dont elles auront constaté qu'ils portent atteinte à un droit soient, sans dédommagement d'aucune sorte, écartés des circuits commerciaux de manière à éviter de causer un préjudice au détenteur du droit ou, à moins que cela ne soit contraire aux prescriptions constitutionnelles en vigueur, détruits;

    b) les matériaux et matériels qui ont principalement servi à la fabrication des produits en cause soient, sans dédommagement d'aucune sorte, écartés des circuits commerciaux, de manière à réduire au minimum les risques de nouvelles atteintes.

Avant de donner un tel ordre, les autorités judiciaires doivent tenir compte du fait qu'il doit y avoir proportionnalité entre la gravité de l'atteinte et des mesures correctives ordonnées, ainsi que des intérêts d'autres personnes. Pour ce qui concerne les produits de contrefaçon, le simple fait de retirer la marque de fabrique ou de commerce apposée de manière illicite ne sera pas suffisant, si ce n'est dans des circonstances exceptionnelles, pour permettre l'introduction des produits dans les circuits commerciaux.

6. Pour ce qui est de l'administration de toute loi touchant à la protection ou au respect des droits de propriété intellectuelle, chaque Partie ne dégagera les autorités et agents publics de l'obligation de prendre des mesures correctives appropriées que dans les cas où ils auront agi ou eu l'intention d'agir de bonne foi dans le cadre de l'administration de telles lois.

7. Nonobstant les autres dispositions des articles 1714 à 1718, lorsqu'une Partie au présent accord est poursuivie relativement à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, par suite de l'utilisation, par elle ou pour son compte, du droit en question, cette Partie peut limiter les recours contre elle au versement d'une rémunération adéquate au détenteur du droit, selon les circonstances de l'espèce, compte tenu de la valeur économique de l'utilisation.

8. Dans la mesure où une mesure corrective civile peut être ordonnée à la suite de procédures administratives eu égard aux particularités de l'affaire, chaque Partie doit prévoir que ces procédures seront conformes à des principes équivalant en substance aux principes énoncés au présent article.


Continuation: Article 1716: Mesures conservatoires